Des pollinisateurs dans la ville

Le fleurissement des espaces verts, des parterres, des ronds-points, des entrées des villes a longtemps été un enjeu majeur des services des espaces verts. Cette profusion de fleurs, si elle n’a pour origine qu’une préoccupation esthétique, fournit une abondante ressource aux insectes les butinant pour se nourrir.

Les bourdons, des poilus bien sympathiques
Les abeilles mellifères ne sont pas les seules abeilles sociales présentes en ville. Les bourdons vivent aussi en société, mais celle-ci ne dure qu’un an. Les jeunes femelles, fécondées à la fin de l’été, passent l’hiver endormies dans un abri : terrier ou crevasse dans le sol, fente d’un mur, dans la litière de feuilles mortes ou sous la mousse notamment. À leur réveil au printemps, elles butinent activement les fleurs pour réparer leurs forces et recherchent un endroit adéquat pour nicher, comme un terrier de rongeur abandonné, une fente entre deux grosses pierres. À proximité de l’homme, de nombreux sites artificiels peuvent être utilisés comme le dessous des planchers des cabanes de jardin ou les regards contenant les compteurs d’eau garnis d’une protection isolante en laine de verre.

La jeune reine engrange un amas de pollen dans le nid, sur lequel elle pond quelques œufs. Elle construit également une outre en cire pour amasser un peu de provisions de nectar. Dès que les premières ouvrières éclosent, elles prennent en charge l’agrandissement du nid, la récolte des provisions et l’élevage des larves. En été, quand la population des ouvrières est devenue suffisante, les mâles et les futures reines sont élevés. Les colonies disparaissent à l’automne avec la mort de la vieille reine, des ouvrières et des mâles.

La diversité des bourdons peut être assez importante en ville, si des milieux semi-naturels, notamment boisés, subsistent. À Rueil-Malmaison, à l’ouest de Paris, 18 espèces ont été recensées entre 1993 et 1999, dont 2 espèces protégées en Île-de-France : le bourdon des friches et le bourdon forestier. Mais les espèces les plus courantes sont les mêmes que celles qui arrivent à survivre dans les zones rurales les plus touchées par l’agriculture intensive : le bourdon terrestre, le bourdon des champs, le bourdon des pierres et le bourdon des prés, avec parfois des espèces moins fréquentes comme le bourdon des jardins et le bourdon des arbres.

La majorité silencieuse des abeilles solitaires
La plupart des espèces d’abeilles qui peuplent les villes sont de mœurs solitaires. Aimant la chaleur, elles se rencontrent surtout dans les milieux ouverts et ensoleillés. Leur présence est liée à la satisfaction de deux besoins essentiels : disposer d’un endroit convenable pour nicher, et pouvoir butiner des fleurs variées et abondantes pour se nourrir et accumuler les provisions nécessaires à leurs larves.

Abeille à culotte sortant de son terrier entre des pavés. – © Vincent Albouy.

Le cycle des abeilles solitaires varie selon les espèces, mais il répond dans ses grandes lignes à un schéma commun. Mâles et femelles de la nouvelle génération passent l’hiver au repos dans le nid où se sont développées les larves dont ils sont issus. Ils émergent du printemps à l’automne selon les espèces, les mâles précédant les femelles de quelques jours. Aussitôt fécondées, les femelles aménagent des cellules, y accumulent de la nourriture et pondent un œuf dessus. Après quelques semaines d’intense activité, elles meurent d’épuisement. L’espèce disparaît pour plusieurs mois. La larve se nourrit des provisions, se nymphose et l’adulte qui émerge attend au repos le moment de sortir au grand jour. Certaines espèces peuvent connaître deux générations par an.

Les fleurs ne manquent pas en milieu urbain, les abeilles solitaires n’y risquent pas la famine. Par contre, les sites favorables à l’établissement du nid peuvent être rares, voire absents. Beaucoup d’espèces comme les andrènes, les halictes, les mélittes, les collètes ou l’abeille à culotte nidifient dans la terre. Elles recherchent des zones de sol nu, les allées de terre battue ou les endroits piétinés dans les pelouses, par exemple. Celles qui préfèrent les sols sableux apprécient les allées sablées et tranquilles, dans les cimetières par exemple. D’autres recherchent les falaises verticales de terre et occupent les talus ou les vieux murs aux joints friables de terre, de chaux ou de plâtre comme les anthophores. Les endroits favorables étant peu nombreux, ces terriers sont souvent rassemblés en bourgades populeuses, mais chaque femelle ne s’occupe que de son nid sans se soucier des voisines sinon pour se disputer une galerie.

D’autres, comme les osmies, les anthidies ou les mégachiles, s’installent dans les trous du bois mort et dans des tiges creuses, ou bien forent une galerie dans des tiges garnies de moelle tendre ou dans le bois pourri comme l’abeille charpentière. L’osmie cornue et l’osmie rousse qui nichent dans les galeries du bois mort sont fréquentes en ville. Comme elles souffrent de la crise du logement, elles logent souvent dans le trou d’écoulement des eaux de condensation des fenêtres. Parfois, mais beaucoup plus rarement, des anthidies occupent le même lieu. Enfin, quelques espèces comme l’abeille maçonne rarissime, construisent un nid sur divers supports : murs, pierres, branches.

Visuel haut de page : Un bourdon des arbres, espèce peu fréquente en ville, sur un chardon dans un terrain vague de Troyes. – © Vincent Albouy

Source : Des insectes en ville de Vincent Albouy, paru aux éditions Quæ

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