Parler d’un vin c’est déjà le déguster

Non seulement le vin délie les langues, mais il permet d’en parler. Pour traduire la diversité des sensations qu’il nous procure, un vocabulaire très imagé s’est développé tout au long de l’histoire.

L’intensité et la nuance de la couleur, la limpidité et le brillant constituent la « robe » du vin. Un vin a de la « chair » lorsqu’il apporte plénitude et densité en bouche sous l’effet conjugué de l’alcool et des tanins. Il est « charpenté » lorsqu’il a une dominante de tanins, ce qui autorise le vieillissement. Un vin « corsé » a du « corps » : il associe une bonne « charpente » et de la « chair ». Un vin est « dur » lorsqu’il est trop riche en tanins ou trop acide…

Le Moyen Âge parlait des arômes et des saveurs de manière souvent argotique. Les références anthropomorphiques – aimable, coquin, généreux, brutal – ont pris le relais au VXIIe siècle. Le XIXe siècle empruntait son vocabulaire aux arts plastiques, à l’architecture : éclat, rondeur, corps, charpente, termes qui nous sont restés, associés à une approche scientifique.

Depuis les années 1970, les  spécialistes ont entrepris de normaliser les termes de dégustation et d’exclure le plus possible les images imprécises. Ils cherchent à identifier les odeurs et les saveurs élémentaires et leurs origines moléculaires, quantifient leur qualité, mais des analogies (fruits, fleurs, épices) sont toujours nécessaires pour en rendre compte. La description de l’odeur du vin est généralement au centre d’une dégustation. Cependant, nos sens privilégient la vue. Ainsi, la couleur influence notre perception des odeurs, et par conséquent nos commentaires. C’est finalement le consommateur qui a le dernier mot, dépendant de sa propre subjectivité. Un même vin, assez acide, pourra être qualifié de frais ou de nerveux par un goûteur enthousiaste, et de vert ou de pointu par un dégustateur plus critique.

Pourquoi le consommateur préfère-t-il un vin plutôt qu’un autre ? Comment se construisent ses préférences ? Des travaux de recherche nous donnent des éléments de compréhension à cette énigme. Les arômes des rouges sont souvent comparés par le dégustateur à ceux de fruits rouges, et ceux des blancs à des aliments « blancs », miel, abricot, pomme, banane.

Un petit subterfuge consiste à colorer le vin blanc par un colorant rouge sans odeur. Le dégustateur va alors utiliser le vocabulaire qu’il utilisait pour le vin rouge, alors qu’Il s’agit pourtant de vin blanc ! En effet, sentir une odeur a pour effet d’activer de nombreuses régions du cerveau. Alors que nous croyons simplement utiliser notre odorat lorsque nous identifions une odeur, nous utilisons également notre vision. On observe ainsi que l’identification des odeurs induit une activation du cortex visuel.

Source: Quand le raisin se fait vin de Pascale Scheromm, paru aux éditions Quæ

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