Les Poissons rouges, un fléau pour les salamandres

Acheter un Poisson rouge pour faire plaisir à un enfant, le garder dans un bocal inadapté à ses besoins et finir par le lâcher dans la nature, pensant lui rendre sa liberté et agir pour son bien-être… est très dangereux pour la faune autochtone.

Car ce « Bubulle » familier est un omnivore pouvant dépasser 20 cm qui, dans la mare où il a été lâché, va parfaitement s’adapter et causer des ravages irrémédiables sur la faune et la flore. D’origine asiatique, il risque aussi d’apporter des maladies et des parasites contre lesquels les autres espèces de poissons ne sont pas préparées à lutter biologiquement. Il va s’attaquer aux plantes, ces supports de ponte indispensables aux urodèles, à leurs œufs et larves.

Une étude de 2014 a été menée à l’université de Liège (Laboratoire d’éthologie des poissons et amphibiens) sur l’impact du Poisson rouge sur le Triton alpestre (Ichthyosaura alpestris). Sur 24 aquariums installés, 12 d’entre eux abritaient 2 couples de tritons et 1 Poisson rouge d’une quinzaine de centimètres ; les autres aquariums comptaient chacun 1 couple de tritons sans poisson. Chaque aquarium était pourvu d’une cachette grillagée de façon à ce que le poisson ne puisse y accéder. Pendant douze semaines, l’expérience a consisté à observer et filmer la reproduction des tritons pour connaître les emplacements et les comportements des individus au moment des parades sexuelles. En présence du poisson, les tritons utilisaient le plus souvent la cachette aménagée et protégée, et les parades étaient bien moins nombreuses, particulièrement dans la zone sans cachette. Dans cette zone ouverte, le poisson avait un impact sur les spermatophores déposés en pleine parade nuptiale : soit il mangeait le spermatophore au sol, interrompant la parade, soit il s’en emparait lorsque celui-ci pendait au cloaque de la femelle.

Les poissons entravent la reproduction des tritons, tels que ce Triton
alpestre femelle (Ichthyosaura alpestris) en train de pondre. – © Françoise Serre Collet

De plus, le poisson venait goûter les tritons en aspirant leur peau à la manière d’un suçon. Le stress éprouvé par les urodèles face au poisson a suffi à interrompre leurs comportements sexuels, ce qui a provoqué une baisse de la reproduction. Cette expérience, qui a montré que les tritons ne s’habituent en rien à la présence du poisson, a permis de mieux comprendre l’impact des Poissons rouges sur une population de tritons.

À partir de cette expérience en laboratoire, on peut extrapoler les solutions à mettre en œuvre pour la protection des tritons face aux poissons. La première serait de retirer les Poissons rouges de la mare. Si cette action n’est pas possible, on peut aménager des cachettes pérennes, où les urodèles se réfugieraient. De manière plus globale et préventive, pour éviter que les Poissons rouges continuent d’être abandonnés dans la nature, il faudrait davantage communiquer auprès du grand public, l’informer des risques inhérents à ces largages, qui sont d’ailleurs interdits par la loi.

Par ailleurs, un rapport de 2013 a relevé les pratiques concernant l’eau de vidange des aquariums et bassins d’ornement. Il en ressort que 48 % des aquariophiles jettent cette eau dans l’évier, 7,7 % dans le caniveau, 4 % en arrosent leur jardin. Le rapport met en lumière l’introduction de plantes invasives : 21,5 % des plantes vendues en aquariophilie se retrouveraient dans le biotope. Qu’en est-il des spores de champignons et autres pathogènes ? À l’heure actuelle, aucune étude sur ce sujet n’est disponible.

Pour limiter les risques de contamination de l’environnement, faire bouillir l’eau de vidange des aquariums avant de la rejeter dans notre écosystème semble une solution de bon sens. Le même rapport fait aussi ressortir que 3,2 % des aquariophiles relâchent leurs animaux dans la nature parce que ceux-ci sont devenus trop gros, ou se montrent trop prolifiques, ou simplement qu’ils ont lassé leur propriétaire ! Pour lutter contre ces pratiques, une information préventive de grande ampleur serait nécessaire. Le message à faire passer est le même que pour les Poissons rouges et les Axolotls : ne pas relâcher d’espèce exotique dans la nature.

Visuel haut de page : Mare où des Poissons rouges (Carassius auratus) ont été introduits. – © Françoise Serre Collet

Source : Salamandres, tritons & cie de Françoise Serre-Collet, paru aux éditions Quæ

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *