L’histoire du hameçon

Les hameçons, utilisés pour la pêche, ont beaucoup évolué depuis leur création. De simples épines à hameçons « parfaits », on utilise cet outil depuis des siècles pour attraper les poissons.

Les premiers hameçons, de simples épines ou taillés dans un os, étaient fixés sur une liane ou sur un morceau de fibre animale. Des hameçons, datant de l’âge du bronze, ont été découverts dans plusieurs stations lacustres. Leur forme est identique à la forme actuelle. L’un d’eux est fixé à l’extrémité d’une sorte de chaînette en bronze. Certains possèdent même un dard. Parmi les trésors découverts dans la sépulture d’un prince celte (tumulus d’Eberdingen-Hochdorf, VIe av. J. C.) figure un sac contenant des objets de toilette et trois hameçons.

hamecons bronze
Hameçons de l’âge du bronze. Manuel d’archéologie, T. II, Déchelette J., 1910

Alors que l’appellation haim (ou hain), du latin hamus, perdurera, le terme hameçon apparaît au XIIe siècle dans Perceval le Gallois. Izaac Walton, dans la deuxième édition de son ouvrage, parue en 1655, recommande les hameçons courbés inventés par Charles Kirby. Ces hameçons réputés, en acier trempé, sont vendus à Londres, en 1700, dans deux magasins spécialisés en articles de pêche et en fourniture d’appâts. Chacun de ces établissements prétend détenir les droits cédés par les héritiers de Kirby.

La fabrication des hameçons est décrite dans un document de 1657 : « Il faut faire les hameçons des plus fines esguilles, et avant de les plier les faire rougir au feu, autrement elles se casseraient, et les plier après avec de petites pincettes, puis les remettre au feu et les retremper bien rouges, puis leur faire prendre la couleur violette afin qu’ils ne se cassent et qu’ils soient assez forts pour tirer toute truite sans s’ouvrir. »

C. Kresz écrit, en 1830, dans la deuxième édition de son ouvrage Le Pêcheur français : « Tous les hameçons sont anglais et irlandais, il ne peut s’en faire ailleurs que de très-mauvais, par la raison que c’est une industrie qui existe là depuis plusieurs siècles.»

Henri de la Blanchère, ancien élève de l’école impériale forestière, confirme cette supériorité de l’hameçon insulaire dans son Nouveau dictionnaire général des pêches (1868) : « De nos jours, les Hameçons se fabriquent principalement en Allemagne, en Angleterre et en France ; les Allemands et les Suisses sont à très-bon marché, mais très-grossiers et de médiocre qualité. Les Français sont aussi bons que les Anglais dans les sortes ordinaires et les fines de formes anciennes, mais les Anglais seuls cherchent et perfectionnent chaque jour la forme et la matière de leurs Hameçons. »

Les marchands proposent deux types d’hameçons : l’hameçon droit lorsque la hampe, le coude, et le dard sont dans un même plan, l’hameçon renversé si cette condition n’est pas remplie ; on appelle avantage l’écart entre le plan vertical comprenant la hampe et celui comportant les deux autres éléments. Parmi les hameçons anglais, le Limerick — ce nom est celui d’une ville d’Irlande spécialisée dans la fabrication des engins de pêche — est réputé auprès des pêcheurs de truite pour sa forme, la qualité de son acier et la perfection de sa pointe. Cet hameçon n’a pas d’avantage.

L’hameçon, dont la matière première est une longue aiguille de section carrée, est fabriqué à l’unité par des ouvriers faisant preuve d’une grande habileté. La succession des opérations est décrite dans le Dictionnaire illustré universel paru en 1864. L’ouvrier, à l’aide d’une lime très mince, crée le dard en pratiquant une entaille dans une aiguille immobilisée dans une rainure faite sur une plaque de bois très dur. Une section de l’aiguille est ensuite arrondie, à l’aide de pinces rondes, pour obtenir la courbure désirée. Une troisième phase consiste à marteler et limer l’autre extrémité de l’aiguille pour réaliser la palette sur laquelle sera fixé le fil de pêche. L’hameçon est alors recuit à haute température puis trempé dans un bain de suif.

Le prix d’un hameçon est élevé : en 1830, le cent d’hameçons Limerick extra-fins coûte 6 francs. Pour réduire ce prix, des fabricants imaginent d’automatiser la phase la plus délicate, celle de la formation du dard, en utilisant une scie dite continue, à lame très fine, et un chariot mobile porteur d’une série d’aiguilles parallèles situées dans un plan oblique par rapport au tranchant de la scie ; ce dispositif permet de produire simultanément une entaille sur toutes les aiguilles. La palette est elle aussi réalisée automatiquement, à l’aide d’une presse, et le polissage des hameçons est obtenu en les plaçant dans un tonneau, animé d’un mouvement de rotation, rempli d’émeri et de savon. La fabrication de chaque hameçon nécessite toutefois l’intervention d’un ouvrier pour réaliser la courbure.

Henri de la Blanchère affirme : « Toute la pêche est dans l’hameçon. » Aussi le pêcheur dispose-t-il d’une panoplie d’hameçons lui permettant d’adapter la grosseur de ces derniers au type de pêche qu’il pratique. Les dimensions des hameçons sont caractérisées par une numérotation allant de 00000, pour le plus gros, à 18 pour le plus petit, et même au-delà pour certains fabricants. À cette panoplie, il faut ajouter les hameçons spéciaux destinés à la pêche au brochet.

Durant les deux derniers siècles, des inventeurs ont donné libre cours à leur imagination pour concevoir des hameçons « parfaits ». Des hameçons de forme ou de courbure particulière ont fait l’objet de brevets. La position du dard et parfois leur nombre sur un même hameçon ont également suscité l’intérêt des inventeurs. Parmi cet arsenal, la palme revient à un redoutable hameçon double associé à un ressort ; la détente de ce dernier, provoquée par l’attaque d’un brochet, ne laissait, aux dires de l’inventeur, aucune chance au poisson.

Les auteurs de traités sur la pêche à la ligne utilisent le terme appât pour désigner la substance accrochée à l’hameçon et réservent celui d’amorce pour la pâture jetée à l’eau dans le but d’attirer les poissons sur le lieu de pêche. Pour éviter toute confusion, il est préférable d’utiliser le mot esche, éche ou aiche — l’orthographe n’est pas figée — au lieu du terme appât. Les interminables listes d’amorces et d’esches, figurant dans les ouvrages, témoignent de l’imagination des pêcheurs qui s’ingénient à utiliser ou imiter la grande diversité de l’alimentation des poissons d’eau douce dont la plupart sont omnivores.

 

Source : Histoire de la pêche à la ligne. Au fil de l’eau et du temps. de Pierre Juhel, paru aux éditions Quæ

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