Est-il possible de jardiner bio, durable et local ?

La situation actuelle est en grande partie le résultat de deux siècles d’emprise des techniques (engrais, pesticides, désherbants), du matériel (tondeuse, arrosage intégré), de la publicité sur le monde végétal (pelouse verte en été) et de l’image du jardin « bien entretenu ».

Pour que le jardin devienne plus écologique, deux facteurs fort différents doivent évoluer en même temps : la représentation mentale d’un beau jardin et les techniques mises en oeuvre pour l’entretenir. Le jardinage biologique, l’une des approches du jardinage durable, est un système de culture qui exclut l’usage d’engrais et de pesticides de synthèse ainsi que des organismes génétiquement modifiés. Dans le jardinage raisonné, il existe une meilleure prise en compte de l’environnement par les jardiniers, tout en ne négligeant ni le social, ni l’écologique ni le volet économique… Quant aux engrais et pesticides, ils ne devraient être utilisés que lorsque cela est indispensable car il est tout à fait possible de jardiner biologique. Cela dépend essentiellement d’un choix personnel, qui s’applique en modifiant ses manières de travailler.

Mais est-il aussi simple que cela de jardiner « local » ? Le recours à des variétés locales et/ou anciennes peut être une source de satisfaction ou de découverte mais il faut savoir que la stabilité des caractéristiques variétales est aléatoire. Encore faut-il pouvoir disposer des semences nécessaires et, pour cela, différencier les variétés anciennes des variétés locales. Les variétés anciennes de légumes et de fleurs figurent dans les catalogues de grandes maisons grainières françaises comme Vilmorin, Clause, ou dans les diverses éditions du Bon Jardinier. Elles ont été améliorées, commercialisées et diffusées grâce à un réseau dense de revendeurs dans l’ensemble des régions françaises, parfois au détriment des variétés locales. Les variétés locales, elles, sont liées à un terroir donné, parfois peu étendu, et furent sélectionnées par un ou des jardiniers locaux qui ont perpétué ces formes au fil du temps en récoltant,conservant et ressemant leurs graines. Si, dans ce terroir, le fil de la transmission a été rompu, il y a peu de chance de retrouver une forme ancienne comme le chou « cabus panaché de Caen » ou le haricot « petit carré de Caen » dont l’origine remonte au XVIIIe siècle.

Par ailleurs, dans cette approche bio et durable, on ne doit pas oublier les modifications environnementales mêmes mineures, qui se sont opérées depuis la création de certaines variétés. Celles-ci étaient climatiquement et pédologiquement bien adaptées à un terroir et à une époque donnée mais, depuis plusieurs décennies, les conditions climatiques ont évolué, les sols aussi.

Les jardiniers bio, durables et locaux devraient se lancer le défi de reprendre toutes ces formes anciennes et poursuivre le travail d’adaptation local effectué au fil des années par leurs aïeux. Ainsi se trouveraient dynamisées, non seulement la conservation du patrimoine ancien, mais aussi la tradition ancestrale de création par les jardiniers de nouveautés en légumes, fleurs et fruits.

Source: Le jardin suit-il des modes ? 90 clés pour comprendre les jardins de Yves-Marie Allain, paru aux éditions Quæ

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