À quoi servent les nombreuses couleurs chez les amphibiens ?

Grenouille d’émeraude, dendrobate jaguar, grenouille tomate, dendrobate fraise, rainette verte, sonneur à ventre de feu, toutes ces appellations révèlent une grande diversité de colorations chez les anoures !

Au sein de ce groupe se distinguent particulièrement les espèces vivant dans les forêts tropicales d’Amérique centrale et du Sud, un fantastique kaléidoscope de couleurs ! Rouge, jaune, bleu, vert, les couleurs vives et contrastées avertissent en général les prédateurs d’un danger. Elles ont une fonction aposématique, c’est-à-dire qu’elles associent un signal visuel à la notion de danger.

En effet, la peau de ces amphibiens sécrète, entre autres, des substances chimiques d’origine végétale, souvent des alcaloïdes toxiques. Les dendrobates et les phyllobates (deux genres de la famille des dendrobatidés), de petites rainettes (de 2 à 4 cm en moyenne) hypercolorées, possèdent des venins si puissants (des batrachotoxines) qu’il suffit de quelques microgouttes pour tuer ceux qui s’aventureraient à les goûter… Le poison ne peut agir que s’il est ingéré ou s’il circule dans le sang par l’intermédiaire d’une blessure. C’est pourquoi les Indiens des tribus d’Amérique du Sud s’en servent pour empoisonner la pointe de leurs flèches ; ils caressent délicatement le dos de la petite grenouille, qui exsude les toxines à travers les glandes de sa peau. Le venin des dendrobates vient des fourmis qu’ils dévorent, ces dernières se nourrissant elles-mêmes de plantes qui contiennent des substances de défense contre les herbivores, ou alcaloïdes. Tout récemment, des chercheurs ont découvert chez les dendrobates une mutation génétique de leur ADN qui les protège de leur propre poison.

Cette espèce, Ceratophrys cornuta, est une championne du camouflage dans les litières forestières de Guyane. © Jean-Pierre Vacher

Sous nos climats tempérés, quelques espèces arborent aussi des livrées voyantes, telle la robe dorsale jaune et noire de la salamandre tachetée, qui alerte les prédateurs tout en rendant l’animal discret dans les feuilles mortes des sous-bois d’automne. Vu de dessus, le triton crêté passe relativement inaperçu à la surface d’un plan d’eau, tandis qu’il expose son ventre aux couleurs vives à un éventuel prédateur venant du fond… Le sonneur à ventre jaune joue aussi à pile ou face.

D’un côté, il sécrète des toxines cutanées et présente un réflexe d’immobilisation, dos cambré de manière à exhiber sa coloration aposématique. De l’autre, en face dorsale, il est parfaitement camouflé dans la vase des ornières qu’il occupe fréquemment. Les grenouilles brunes (grenouille rousse, grenouille agile), démunies de tout arsenal chimique, n’ont que leurs pattes arrière longues, une couleur brune et une forme lancéolée pour se fondre dans la litière du sol forestier et échapper aux prédateurs.

Si la couleur et le dessin de la peau semblent jouer un rôle pour passer inaperçu ou se protéger, ils servent également à la reconnaissance entre individus de sexe opposé d’une même espèce. C’est ainsi que le mâle de la mantelle dite « dorée », une grenouille de Madagascar, est jaune, tandis que la femelle arbore une livrée rouge vif ! Autre exemple, la coloration orangée du sac vocal de la rainette arboricole mâle est gage de bonne santé et de la qualité supérieure du reproducteur. Enfin, si différentes espèces d’amphibiens ont la capacité d’adapter leur coloration selon l’état de l’animal et l’influence de certaines hormones, notamment sexuelles, le milieu ambiant et les facteurs physiques tels que la température ou l’humidité sont également à l’origine de changements de couleur.

 

Visuel haut de page : Sa petite taille (moins de 30 mm adulte) et ses couleurs vives rendent Mantella expectata, espèce endémique de Madagascar, très recherchée des terrariophiles. © Franco Andréone

Source : Les amphibiens à la loupe d’Alain Morand, paru aux éditions Quæ

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