Un champignon pour faire du feu ?

L’amadouvier est un champignon pouvant aider à faire du feu, en servant de combustible.

Nous ne savons pas exactement quand ni comment les hommes ont maîtrisé le feu. Il est admis que les véritables foyers entretenus datent d’environ – 400 000 ans, même si des traces de combustion plus anciennes, vers – 800 000 ans ou plus, ont été trouvées. Mais en remontant le temps, il est difficile de faire la différence entre les foyers accidentels et ceux aménagés. Seules deux techniques ont pu être utilisées pour initier un feu : la percussion d’un silex sur du sulfure de fer (pyrite ou marcassite), qui produit des étincelles, ou le frottement très rapide d’une tige de bois dans la cavité d’un morceau également en bois, ce qui génère de fines braises. Quelle que soit la méthode mise en oeuvre, il faut ensuite enflammer un combustible – des herbes sèches ou de l’amadou. Jusqu’au XIXe siècle, l’amadou a été utilisé dans les briquets à silex. Les étincelles destinées à l’enflammer étaient obtenues par le choc d’un silex avec un acier riche en carbone. L’amadou est la chair d’un champignon assez commun, l’amadouvier (Fomes fomentarius). Il se développe en formant des sortes de consoles – ou chapeaux sans pied – à stries concentriques à dominante grise sur le tronc de divers arbres feuillus, après avoir envahi le tronc sous forme de pourriture blanche. L’envahissement du bois de cœur se fait par des blessures, et en général, n’affecte que des arbres âgés. Comme pour le polypore soufré ou la fistuline, l’aubier, c’est-à-dire la partie vivante du bois, n’est pas attaqué. L’amadouvier n’est donc pas un parasite au sens strict du terme. Il participe seulement au recyclage du bois et n’est qu’un aspect du processus normal de vieillissement des arbres.

Le polypore du bouleau (Piptoporus betulinus). Ötzi en transportait des fragments, peut-être pour un usage médicinal. © Jean-Christophe Ragué.

À partir de quand l’amadouvier a-t-il été utilisé comme combustible de préférence aux herbes sèches ? Nous ne le savons pas. Mais il est probable que des herbes sèches ont d’abord été utilisées par les hommes préhistoriques pour une raison bien simple : elles sont partout disponibles alors que l’amadou nécessite la présence d’un milieu forestier. L’amadou nécessite aussi une préparation complexe (enlèvement des pores et de la partie adhérant à l’arbre, découpage en tranches et séchage). Il est donc vraisemblable qu’il n’a été que tardivement employé. La seule preuve que nous ayons de son possible usage préhistorique, nous la devons à Ötzi, cet homme trouvé le 19 septembre 1991 dans un glacier des Alpes italiennes à 3 210 mètres d’altitude et tué entre 3350 et 3100 ans avant J.-C. Ötzi transportait un équipement complet de chasseur (flèches et hache en silex) et, dans une bourse en cuir, des fragments de deux champignons, l’amadouvier sous forme d’une masse brune et le polypore du bouleau (Piptoporus betulinus), en deux morceaux coniques montés sur des lanières de cuir. Les fragments d’amadouvier étaient associés à des particules de pyrite, ce qui laisse supposer qu’ils étaient bien utilisés pour allumer du feu. La destination des deux fragments de polypore du bouleau est plus difficile à établir ; l’hypothèse la plus vraisemblable est d’ordre médicinal.

Visuel haut de page : L’amadouvier Fomes fomentarius, une aide précieuse pour allumer un feu.

Source:  L’odyssée des champignons de François Le Tacon et Jean-Paul Maurice, paru aux éditions Quæ.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *