circuits courts

Que mange-t-on en circuits courts ?

Les circuits courts alimentaires sont de plus en plus plébiscités par les consommateurs qui souhaitent aujourd’hui connaître l’origine de leurs produits. Mais au juste, que consomme t-on lorsque l’on « mange local » ?

Qu’as-tu donc dans ton panier ?

Fruits et légumes, produits laitiers, viandes, charcuterie, pain, miel, vin, voire épicerie : on trouve de tout sur un marché de producteurs, dans un point de vente collectif (PVC) ou auprès d’une plateforme d’achat sur Internet. Rien n’oblige à changer de régime alimentaire si l’on opte pour les circuits courts. Certaines particularités de l’offre peuvent toutefois inciter le consommateur à reconsidérer son alimentation et à se rapprocher sans douleur des préconisations des nutritionnistes, c’est-à-dire d’un régime varié et comportant des produits frais. Tout d’abord la découverte de produits locaux, de légumes oubliés (topinambours, panais, etc.) ou, pour les légumes plus courants, de variétés locales très savoureuses mais inadaptées aux contraintes de la grande distribution. Leur abondance, leur variété et leur goût incitent l’habitué des circuits courts à manger plus de fruits et légumes frais. Ensuite, les produits sont en général vendus bruts ou peu transformés, ce qui favorise la cuisine à la maison et limite le recours aux plats tout prêts de l’industrie agroalimentaire, dont certains sont devenus de véritables cauchemars pour les diététiciens. En vente directe, les producteurs ne se font d’ailleurs pas prier pour indiquer des recettes simples de préparation. Enfin, et c’est sans doute l’aspect le plus important : dans un « vrai » circuit court, les produits sont vendus exclusivement en saison. Autrement dit, s’approvisionner ainsi peut ne rien changer à la palette des produits consommés mais affecte certainement le moment où on les déguste. Lorsque l’on joue le jeu du circuit court, on ne mange pas de tomates fraîches en hiver — celles que l’on trouve alors en GMS ont poussé sous serre chauffée, souvent hors sol, et n’ont de tomate que l’apparence mais pas le goût. Il n’y a pas de poivron ou de haricot vert frais qui vaille au mois de janvier, qu’on se le dise ! Par contre, il existe de nombreuses manières de conserver les produits récoltés en pleine saison pour les consommer ensuite. Les consommateurs, au départ, peuvent regretter la redondance des produits de saison mais ils déclarent vite que le goût compense ! Et les producteurs font beaucoup d’efforts pour les diversifier.

Une autre question revient souvent : les produits vendus en circuit court sont-ils plus sains ? Soulignons tout d’abord que, contrairement à une opinion répandue, ils ne sont pas nécessairement issus de l’agriculture biologique. Les deux mouvements entretiennent cependant des liens assez étroits : la proportion d’agriculteurs bio est nettement plus élevée que la moyenne parmi ceux pratiquant la vente directe, et inversement. De plus, sans nécessairement suivre le cahier des charges de l’agriculture bio, et payer pour la certification, la plupart des producteurs vendant en circuits courts adhèrent à une certaine idée de leur métier, très éloignée du modèle intensif à base d’intrants chimiques. Quoi qu’il en soit, bio ou pas, les produits vendus en direct ont un avantage indéniable sur ceux que l’on trouve en circuit long : la fraîcheur. Peu manipulés, récoltés souvent la veille ou le jour de la vente, ils ont conservé toutes leurs qualités nutritionnelles, en particulier les vitamines qui se dégradent très vite lors du stockage, au froid en particulier. À l’opposé, il n’est pas rare de trouver en GMS des produits entreposés durant une semaine ou deux en chambre froide.

Les contrôles de qualité sont-ils équivalents ?

Les circuits courts ne sont pas un marché clandestin. Quel que soit son canal de distribution, tout aliment commercialisé est soumis aux mêmes normes, règles et contrôles. Cela commence d’ailleurs dès la production : registre phytosanitaire en culture végétale, plan de maîtrise sanitaire en élevage, déclaration auprès de la Direction départementale de la protection des populations (ex-DDSV), etc.

Pour mieux saisir les enjeux, suivons le trajet d’un produit particulièrement délicat : la viande. L’élevage et l’abattage des animaux obéissent exactement aux mêmes règles quel que soit le circuit ultérieur de commercialisation. Ensuite, durant le transport et la distribution, l’obligation de respecter à tout moment la chaîne du froid s’impose également à tous, industriels de la viande comme éleveurs pratiquant la vente directe. Mais alors quid de la fameuse dérogation des 80 km ? La différence tient en peu de mots : en dessous d’une certaine quantité de viande (non précisée dans le décret français) et de 80 km de distance, et uniquement en cas de remise directe au consommateur, les éleveurs proposant leurs propres produits sont autorisés à utiliser un véhicule isotherme (voire des glacières) plutôt que frigorifique. Durant ce court trajet, cela suffit en effet pour maintenir la température de consigne à l’intérieur de la caisse. Autrement dit, par rapport aux transporteurs opérant à plus grande échelle, voire entre différents pays de l’Union européenne, ils obéissent aux mêmes normes (température imposée), subissent les mêmes contrôles inopinés en cours de route pour s’assurer du respect de ces normes mais bénéficient d’une dérogation concernant les moyens techniques à mettre en oeuvre pour parvenir à ce résultat.

Il en va de même pour les ateliers de transformation à la ferme (confiture, viande découpée, fromage…) : en dessous d’une certaine quantité et pour une remise directe au consommateur, ils sont dispensés d’agrément sanitaire CE1. Cette dispense ne signifie pas un relâchement des exigences en termes de sécurité sanitaire pour le consommateur, elle tient simplement compte du fait que la petite taille permet une maîtrise de l’hygiène sans forcément suivre les mêmes procédures ou déployer les mêmes moyens humains. Nul besoin d’un ingénieur qualiticien pour tenir les registres, par exemple… C’est l’engagement personnel du producteur, la volonté de faire reconnaître son savoir-faire directement auprès des consommateurs et le développement de relations dans la durée qui vont le conduire à respecter des démarches de qualité.

Au moment de la vente, et quel que soit le circuit ou la quantité, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n’accorde quant à elle aucune dérogation sur l’étiquetage ou l’information sur le produit.

1Cet agrément résulte de l’application d’une réglementation européenne de 2006 dite « Paquet hygiène ». On en trouvera une description, par exemple à http://agriculture.gouv.fr/un-agrement-sanitaire-quest-ce-que-cest.

Source : Et si on mangeait local ? de Patrick Philipon, Yuna Chiffoleau, Frédéric Wallet (préface de Nicolas Hulot), paru aux éditions Quæ

et si on mangeait local ?

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