une construction de biofilm

Le biofilm, façonné par ses habitants

Dans tout lieu de vie, les habitants modèlent leur résidence. Ils agrandissent, ouvrent des fenêtres, les agrémentent de fleurs, repeignent les volets. Les microbes en biofilm façonnent-ils aussi leur habitat ?

L’architecture d’un biofilm va dépendre très étroitement de la quantité et de la nature du mucusou matrice — émis par les microbes résidents, et donc de leur capacité à produire cette matrice. Celle-ci est d’ailleurs considérée comme le véritable ciment de l’édifice « biofilm ».

Elle peut être stabilisée et renforcée par un maillage formé de fibres et d’appendices que les microbes ont à leur surface. Parmi ceux-ci, on peut citer les pili, les curli, les flagelles ou encore les fibres protéiques amyloïdiques. Ces éléments sont plus ou moins longs, plus ou moins rigides, et ont des fonctions diverses comme la nage en milieu liquide, l’adhésion à des surfaces (bien sûr !), l’échange de gènes, etc.

De plus, certains microbes, comme Listeria monocytogenes et de nombreuses bactéries filamenteuses marines et buccales, forment en biofilm des chaînettes ou des filaments qui s’entremêlent. On obtient un « effet Velcro » qui donne un véritable squelette mécanique au biofilm.

Dans des biofilms multi-espèces, les filaments peuvent servir de fixation aux bactéries productrices de matrice, telles des armatures de fer qui structurent le béton armé. Dans l’architecture et la résistance mécanique du biofilm, les bactéries filamenteuses ou les hyphes des champignons sont nécessaires.

Mais tout est toujours une question d’équilibre. En trop grand nombre, ils perturbent la structuration du biofilm et son fonctionnement global. Ainsi, dans les biofilms utilisés pour traiter les eaux usées, lorsque les fungi se développent, ils entraînent un engorgement du biofilm, qui perd en efficacité de traitement.

Il ne faut pas voir un biofilm comme une masse constituée uniquement de matrice et de microbes. Il existe, dans un biofilm, des espaces libres parcourus par des courants aqueux. Ces « canaux à eau » sont autant d’escaliers et de portes qui permettent les échanges et font que la vie grouille au sein des biofilms. Ils permettent d’irriguer en nutriments et en oxygène les strates profondes de l’édifice. Ils peuvent être créés ou entretenus par des bactéries mobiles.

Parfois, la mobilité est collective. Certaines bactéries s’organisent en de longues chaînettes qui adoptent, en biofilm, un mouvement circulaire de type « hélice sans fin » ou « foret », avec un effet de perceuse très efficace. Des perforations cylindriques de plus de 10 μm de diamètre ont ainsi été observées, qui servent elles aussi à des échanges de tout type, y compris cellulaire, entre les différentes strates du biofilm.

 

Visuel haut de page : Les biofilms présents dans un canard de bain – © M. Naïtali

Source: Biofilms, la vie des microbes en société de Romain Briandet et Murielle Naïtali, paru aux éditions Quæ

Biofilms, la vie des microbes en société

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