La production bio est-elle plus exigeante en main-d’œuvre ?

On pense souvent que l’AB est un retour en arrière et que ce type d’agriculture applique les techniques utilisées au XIXe siècle. En réalité, les techniques utilisées actuellement en AB sont souvent très différentes de celles pratiquées au XIXe siècle.

Le plus spectaculaire des changements est celui de la productivité du travail — en quantité physique produite par travailleur (unité de travail humain), par exemple en tonne de blé/UTH/ an ou tonne de lait/UTH/an, etc. En AC, la productivité du travail à la tonne produite a été multipliée par 5 au cours des 50 dernières années quel que soit le type de production (grandes cultures, maraîchage, lait, viande, etc.). Cette augmentation de la productivité du travail est due en premier lieu au développement de la mécanisation et en deuxième lieu à l’augmentation des rendements à l’hectare. Le passage à l’AB se traduit généralement par une productivité du travail à l’hectare presque identique à l’AC. En revanche, pour certaines productions pour lesquelles le rendement AB est très inférieur au rendement AC (comme les céréales à paille), la productivité du travail à la tonne est inférieure en AB.

En grandes cultures les besoins en main-d’œuvre à l’ha sont équivalents. En AC, on constate qu’il faut entre 3 et 7 h/ha pour cultiver 1 ha de blé (depuis la préparation du sol pour le semis jusqu’à la récolte). Dans une enquête réalisée en 2009, chez des agriculteurs AB spécialisés en grandes cultures, le temps de travail/ha était en moyenne de 5,6 h/ha en Pays de la Loire et de 4,8 en régions Île-de-France et Centre. Cette absence d’écart entre AB et AC peut paraître étonnante mais s’explique par des méthodes de production pratiquement identiques (l’implantation de la culture et la récolte sont réalisées par les mêmes outils en AB et AC). Les différences entre AB et AC pourraient provenir de la protection des cultures et en particulier de la maîtrise des adventices qui nécessite en AB le passage d’outils mécaniques. En fait, l’AB n’utilise aucun produit de traitement (ni insecticides, ni fongicides, ni herbicides, ni régulateurs de croissance) ce qui économise 4 à 8 passages de pulvérisateur. En revanche, le désherbage mécanique peut nécessiter 1 à 3 passages d’outils. Ces outils travaillent vite (8 à 12 km/h) si bien qu’en fin de compte on ne passe pas plus de temps à l’hectare qu’en AC.

En production animale, les temps de travail/animal sont généralement identiques en AB et en AC. Néanmoins, au kg de lait ou de viande produit, il peut y avoir un écart non négligeable (en particulier pour les volailles de chair) en raison des durées d’élevage plus longues. Mais cet écart est sans doute négligeable si on compare l’AB avec les productions AC sous label.

Désherbage manuel des oignons

Les productions maraîchères ne se prêtent pas toujours à un désherbage mécanisé. Dans certaines situations, seuls des passages manuels sont possibles en AB, en augmentant les charges de main-d’œuvre et la pénibilité © Saenjo – Fotolia.com

En maraîchage, il est difficile de faire des comparaisons entre AB et AC. En effet, les données sont très variables en fonction des productions et des milieux. Le groupement régional des agriculteurs biologiques de Haute-Normandie (Grab HN) indique par exemple qu’il est possible de cultiver 1 à 1,5 ha par UTH en maraîchage diversifié en vente directe et 2 ha par UTH en légumes de plein champ en vente en gros. Comme dans le cas des grandes cultures, l’essentiel du temps de travail est identique en AB et en AC (préparation du sol, récolte et commercialisation). Le désherbage en AB est en partie mécanique (donc avec une productivité du travail assez élevée) mais dans un certain nombre de cas il est complété par du désherbage manuel très gourmand en main-d’œuvre (en particulier en maraîchage diversifié). Néanmoins, ce poste travail représente moins de 10 % du temps total. Ce sont donc surtout les écarts de rendements entre AC et AB qui font la différence sur la productivité du travail rapportée à la tonne produite.

Source : Le tout bio est-il possible ? de Bernard Le Buanec, paru aux éditions Quæ

 

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