Gyndagooster, oil on canvas. Vagues scélérates Jeannette Kerr

La septième vague

Quelque nombreux que puissent être les exemples de vagues triples, c’est le chiffre sept qui a toujours hanté les légendes et l’inconscient populaire.

La septième vague est toujours la plus forte, la plus haute, la plus belle, celle que doivent prendre les surfeurs pour réussir leur ride, celle après laquelle il faut s’élancer pour profiter de l’accalmie, etc. Chacun imagine bien que les vagues les plus fortes ne viennent pas, avec une régularité d’horloge, s’insérer dans la succession en laissant entre elles six vagues plus modestes. Ce serait là une négation complète, d’ailleurs, de la nature inattendue des vagues scélérates : il suffirait de compter pour savoir quand elles vont apparaître.

Peut-on pour autant écarter tout fondement à la légende ? En fait, on peut démontrer scientifiquement que les vagues apparaîtront dans bien des cas à l’observateur structurées en groupes, et qu’une moyenne de la taille des groupes de l’ordre de cinq à neuf vagues est non seulement plausible, mais commune. On a donc bien, assez fréquemment, une sorte de périodicité, avec en moyenne de l’ordre de la demi-douzaine de vagues entre deux grosses vagues. Le côté magique du chiffre sept a ensuite conduit, à partir de cette réalité, à la légende de la septième vague.

De là à imaginer qu’une vague scélérate serait la septième d’une série, il y a un fossé, et d’ailleurs comme la plus grande a toutes les chances de surgir au milieu de la série, il faudrait plutôt des groupes d’une douzaine de vagues. On peut même penser, à l’opposé, que si un groupe contient sept vagues suffisamment grandes pour être identifiées, l’énergie du groupe est répartie entre ces vagues et que la plus grande d’entre elles ne marquera pas de différence exceptionnelle par rapport aux autres.

L’énergie d’un système de vagues se déplace à la vitesse dite « de groupe », c’est-à-dire qu’un groupe conserve, lors de sa propagation, sensiblement le même contenu énergétique. En grande profondeur, la vitesse de groupe n’est que la moitié de la vitesse de phase, celle des vagues individuelles : le groupe se traîne par rapport aux vagues, mais l’observateur non averti ne le remarque pas car du fait que les vagues croissent à l’entrée et s’atténuent à la sortie du groupe, elles semblent ne durer que le temps où elles font effectivement partie de ce groupe. En conséquence, cela signifie que la configuration des vagues au sein d’un groupe est éphémère, puisque ce ne sont pas les mêmes vagues qui le composent à quelque temps d’intervalle. Quand bien même la septième aurait donc à un instant certaines propriétés particulières, elle ne les conserverait pas longtemps.

En faible profondeur en revanche, la vitesse de groupe rejoint la vitesse de phase et la célérité ne dépend plus que de la profondeur : un groupe contient les mêmes vagues du début à la fin de la région peu profonde.

Les groupes peuvent être animés d’une sorte de respiration, qui fait fluctuer le nombre de vagues qu’ils contiennent. Cette respiration est souvent modélisée par l’équation de Schrödinger non-linéaire. Sur sept vagues, même si l’une surpasse les autres, elle ne contiendra à elle seule qu’une part réduite de l’énergie du groupe. Si par contre le groupe se réduit au point de ne contenir qu’une vague, elle aura tout pour être scélérate. On pourra encore observer le phénomène des Trois Soeurs si un groupe très énergétique ne comprend que trois vagues.

 

Visuel haut de page : Gyndagooster, huile sur toile (détail) © Janette Kerr

Source: Anatomie curieuse des vagues scélérates de Michel Olagnon et Janette Kerr, paru aux éditions Quæ

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *