Couche-tard ou lève-tôt : quelles différences au quotidien ?

Les besoins en sommeil varient selon les individus, les heures de coucher et de réveil aussi ! Mais comment cela impacte t-il notre vie quotidienne ?

Plutôt du soir ou du matin ?
Parfois c’est une évidence : vous êtes systématiquement le dernier couché et le dernier levé à la maison, les examens, rendez-vous et autres réunions programmés avant 10 h le matin vous mettent en difficulté, vous n’êtes jamais aussi perspicace et alerte qu’en toute fin de journée quand d’autres se frottent les yeux. Pour sûr, vous êtes du soir et votre chronotype est tardif. D’autres sont clairement du matin, prêts à partir courir ou à terminer un devoir dès potron-minet mais peu enclins à refaire le monde après 22 h 15. En moyenne, les premiers vont se coucher et se réveillent naturellement deux à trois heures après les seconds. Les études épidémiologiques ont établi que les chronotypes extrêmes du matin et du soir concernent chacun environ 20 % de la population générale1. Chez les 60 % restants, la tendance est moins nette, plus neutre. Eux sont bien calés sur le cycle du jour et de la nuit qui modèle notre vie sociale. En forme dès 8 h et néanmoins capables d’apprécier une sortie tardive. Ils ne sont ni franchement du soir, ni tout à fait du matin, alternativement l’un et l’autre selon les jours, les situations, le contexte et ses exigences. Là encore, on ne choisit pas : le chronotype, c’est-à-dire la tendance à être plus efficace le soir ou le matin, est un trait de personnalité au même titre que l’optimisme ou l’impulsivité. Le frisson et la lourdeur des paupières annonciateurs de sommeil surviennent plus ou moins tard selon les personnes, tout comme le réveil le lendemain. Toutes les combinaisons avec les durées de sommeil optimales sont possibles : court dormeur du soir, moyen dormeur du matin, long dormeur de chronotype intermédiaire, etc. Néanmoins, les personnes du soir ont tendance à avoir des besoins de sommeil un peu plus importants que celles du matin. Connaître son profil de dormeur présente un intérêt pratique évident : pouvoir adapter ses activités, notamment les plus exigeantes sur le plan physique, émotionnel ou intellectuel, à son niveau d’éveil. Bien sûr, il n’est pas toujours possible de choisir son heure mais s’il nous est donné de décider à quel moment faire ses devoirs, programmer une séance de sport ou mener à bien une mission délicate, autant éviter les difficultés en tenant compte de son chronotype.

Il est plus facile pour un couche-tôt…
Dans les faits et compte tenu de nos habitudes sociales, être quelqu’un du matin procure un avantage certain. Un tel chronotype étant à peu près calé sur l’alternance du jour et de la nuit, il est relativement naturel de vivre peu ou prou avec le soleil, de mener des activités extérieures pendant les heures les plus chaudes et les plus lumineuses, de rentrer quand la nuit tombe puis d’aller se coucher quand il fait noir. Le rapport à la lumière est tout autre quand son plus haut niveau d’éveil coïncide avec le moment où le soleil décline. Pour la vie de bureau aussi, être du matin est un plus. Commencer à travailler à 8 ou 9 h n’a alors rien d’insurmontable. Ce rythme est évidemment bien moins adapté pour ceux qui trouvent rarement le sommeil avant 1 h ou 2 h du matin et ouvrent naturellement l’oeil vers 10 h. Pas étonnant que les gens du soir soient surreprésentés chez les personnes qui manquent de sommeil. Par ailleurs, ce décalage entre besoin de sommeil naturel et exigences de la vie sociale pousse les couche-tard encore plus que les autres à adopter des rythmes irréguliers, rattrapant le week-end les heures de sommeil qu’ils n’ont pas pu avoir pendant la semaine. Une telle variation de rythme est en elle-même délétère pour la santé. Il y a toutefois quelques bons côtés à faire partie des couche-tard car on s’adapte plus facilement que les autres à une suractivité temporaire ou au décalage horaire imposé par un voyage au long cours.

Encore un coup de l’horloge biologique !
Les différents chronotypes sont le reflet de fluctuations individuelles concernant l’ensemble des fonctions dépendantes de l’horloge biologique. Non seulement le sommeil ne frappe pas à la porte au même moment mais les pics de température interne, de sécrétion de mélatonine ou de cortisol, d’attention et de concentration, sont eux aussi décalés : avancés chez les personnes du matin, retardés chez celles du soir. Comme tout ce qui relève de l’horloge biologique, le chronotype est sensible aux paramètres extérieurs que sont la lumière, les horaires des repas, l’activité physique, etc. L’exposition plus ou moins importante à la lumière en particulier paraît déterminante. Or pendant le premier mois de vie, la différence est nette selon que l’on est né en novembre ou en juin. Voir le jour en automne ou en hiver, quand les jours sont courts, prédisposerait à être plutôt du matin alors que les nourrissons du printemps et de l’été qui profitent de journées plus longues auraient plutôt tendance à veiller tard. La proportion des deux chronotypes extrêmes varie aussi d’un pays à l’autre : plus on se déplace vers l’ouest et le sud, plus la proportion de couche-tard augmente2.

Qu’on se rassure : ces différences ne déterminent pas les capacités physiques et cognitives des uns et des autres. À condition toutefois de pouvoir choisir librement le moment de faire appel à elles. Lorsque des écarts de performance s’observent, ils sont simplement la conséquence d’une mauvaise synchronisation entre les horloges biologique et sociale. Un exemple ? Passer un examen qui exige mémoire et concentration entre 8 h et 10 h est idéal pour un lève-tôt mais délicat pour un couche-tard, qui le réussira probablement bien mieux s’il a lieu dans l’après-midi. Des différences selon le chronotype ont toutefois été observées. Par exemple, les durées de sommeil et les heures de lever et de coucher sont beaucoup plus stables chez les lève-tôt que chez les sujets du soir. En moyenne, leur sommeil est ainsi plus rigide et leurs habitudes de vie moins flexibles. Des études assez anciennes menées par des psychologues décrivent les sujets du matin comme plutôt besogneux, performants et perfectionnistes. Les personnes du soir seraient quant à elles extraverties, impulsives et avides de sensations3. Il semble que nous ne soyons pas tous logés à la même enseigne non plus en matière de troubles mentaux. Les troubles de l’humeur et en particulier les dépressions, qu’elles soient saisonnières ou profondes, sont en effet plus fréquents et plus sévères chez les personnes du soir4. S’agissant des troubles de l’appétit, la situation est plus contrastée. Les sujets du matin sont plus nombreux parmi les personnes anorexiques alors que les personnes boulimiques sont plus souvent des couche-tard.

1Adan A. et al., 2012. Circadian typology: A comprehensive review. Chronobiology International.
2Adan, 2015.
3Taillard, 2009.
4Au J., Reece J., 2017. The relationship between chronotype and depressive symptoms: A metaanalysis. Journal of Affective Disorders.

Source: Quoi de neuf sur le sommeil ? d’Anne Le Pennec, avec Sylvie Royant-Parola, paru aux éditions Quæ

extrait quoi de neuf sur le sommeil

 

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