La biominéralisation des barrières de corail

Les barrières de corail, constituées de récifs coralliens, représentent les plus grandes constructions créées par des organismes vivants.

Elles sont formées de coraux vivants en surface et de coraux morts en profondeur, dont il subsiste les squelettes agglutinés et superposés. La plus connue est la grande barrière de corail, au large des côtes du Nord-Est de l’Australie, qui s’étend sur 2 300 km. Certaines peuvent parfois atteindre 200 m de hauteur comme en Nouvelle-Calédonie.

Ces écosystèmes constituent des niches biologiques uniques qui procurent nourriture et protection aux espèces marines. Ils abritent plus de 25 % de la biodiversité marine, soit 1 à 3 millions d’espèces et un quart des espèces de poissons recensées. Les coraux bâtisseurs de récifs, dit coraux durs ou scléractiniaires, sont estimés à 800 espèces vivant dans les mers tropicales. Ils font partie des plus anciens animaux apparus il y a environ 500 millions d’années.

Le corail est un animal de l’embranchement des cnidaires, constitué d’une colonie de polypes. Ces milliers d’individus pondent des œufs dont les larves se fixent sur de la roche ou de la lave solidifiée. Comme leur corps est mou, les coraux le protègent en fabriquant un squelette solide selon un processus de biominéralisation appelé aussi calcification.

Il existe une grande diversité de formes, de structures et de couleurs chez les coraux (Sarcophyton trocheliophorum, en haut à gauche). Certains, du genre Sinularia, sont réellement blancs (en haut à droite), mais de plus en plus, cette couleur trahit le phénomène de blanchissement, soit une dépigmentation due à l’expulsion par le corail, en cas de stress, des zooxanthelles, les microscopiques algues qu’ils abritent (en bas à gauche). Ce blanchissement laisse place à des récifs de squelettes de coraux (en bas à droite).  En haut à gauche : © Tim-Sheerman-Chase/flickr ; en haut à droite : © Marcelo Kato/Pixabay ; en bas à gauche : © Samuel Chow/wikimédia ; en bas à droite © stux/Pixabay

La biominéralisation est une production de minéraux, biologiquement contrôlée, que l’on trouve chez de nombreux organismes : bactéries, animaux, végétaux et, dans le monde marin, chez les éponges, les crustacés ou les mollusques. Elle sert à la construction de squelettes externes, de coquilles ou d’os. Dans le cas du corail, elle conduit à la formation de son squelette dur composé de carbonate de calcium (CaCO3) cristallisé sous forme d’aragonite. Comment ce carbonate est-il formé ?

Les ions calcium et carbonate, présents dans l’eau de mer, précipitent pour former des cristaux d’aragonite qui vont s’insérer dans la matrice organique du corail, constituée principalement de protéines riches en acides aminés et phospholipides. Cette biominéralisation a lieu dans un tissu spécialisé, le calicoderme, recouvrant le squelette et sécrétant la matrice. Elle ne pourrait avoir lieu sans la symbiose que le corail forme avec des algues microscopiques, unicellulaires, les zooxanthelles, qui grâce à leur photosynthèse lui fournissent, pour sa croissance, de l’oxygène et des nutriments : glucides, acides aminés et lipides. En échange, le rejet de CO2 par le corail est utilisé pour la photosynthèse des zooxanthelles, ce prélèvement de CO2 favorisant la précipitation du calcaire.

Bien que ce processus de biominéralisation ne soit pas encore parfaitement connu, l’industrie du béton l’étudie et cherche à le reproduire. De même que le corail, le béton est un assemblage de matériaux de nature minérale. Pour obtenir du béton, on mélange de l’eau, du sable ou du gravier avec un liant hydraulique qui est généralement du ciment. Le principal constituant du ciment est ce qu’on appelle du clinker qui comprend 20 % d’argile et 80 % de calcaire. Le calcaire n’est autre qu’une roche sédimentaire composée de carbonate de calcium. L’argile est un mélange de silice, d’alumine et d’oxyde de fer. Il faut concasser ces deux matériaux et les cuire ensemble à plus de 1 450 °C pendant 30 minutes dans des fours rotatifs pour obtenir un élément compact. Celui-ci est ensuite réduit en une fine poudre (grains de 40 microns environ) tout en étant additionné de gypse. Cette poudre finale est dénommée « ciment Portland ».

Visuel haut de page : Ballots d’œufs et de sperme de corail du genre Acropora qui sont les coraux les plus abondants des récifs coralliens. La libération de ces poches pour la fécondation a lieu de nuit, quelques jours seulement après la pleine lune. C’est le changement de luminosité céleste qui serait le déclencheur de cette ponte. © Pataporn
Kuanui/Shutterstock.com

Source : Biomimétisme de Jean-Philippe Camborde, préfacé par Gilles Boeuf, paru aux éditions Quæ

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